Condition ouvrière au XIXème siècle
- Centre culturel de Colfontaine
- 23 avr.
- 8 min de lecture
Pour répondre aux exigences d’une production plus intensive, il faut disposer d’une main d’oeuvre importante. La discipliner et la rendre dépendante de son travail.
Des conditions imposées par cette sujétion est née la "classe ouvrière".


Par son contrat, l’ouvrier fait acte de soumission à l’autorité patronale qui à l’origine ne connaît quasi aucune limite. Ainsi, l’exigence de rentabilité des capitaux investis allonge toujours plus le temps de travail et une innovation technologique comme le gaz d’éclairage permet de travailler de nuit. Si l’usine ne détient pas le monopole de la pénibilité des conditions de travail, elle les condense dans un espace restreint où se réunissent hommes, femmes et enfants.
De plus, les ouvriers sont confinés dans un statut juridique et politique d’infériorité.
Les ouvriers belges sont dépourvus du droit de vote ; ils sont, du fait du code pénal, dans l’incapacité juridique de s’unir ; ils sont enfin liés à une entreprise donnée par
le "livret ouvrier" dans lequel le patron peut indiquer toutes les annotations qu’il désire en cas de changement de travail ou de licenciement.

Dans le domaine du droit civil, la même inégalité joue.
L’article 1 781 du Code civil précise :
"Le maître est cru sur son affirmation pour la quotité des gages, pour le paiement du salaire de l’année échue et pour les acomptes donnés pour l’année courante".
De plus, lorsqu’il est indigent, l’ouvrier est considéré comme suspect et à placer sous tutelle.
Les dangers de la mine et les catastrophes minières
Le grisou, le danger principal :
le grisou est un gaz méthane incolore et inodore mais hautement explosif au contact d'une étincelle.
L'explosion peut également enflammer les poussières de charbon en suspension dans l'air et provoquer de graves incendies.
Pour détecter le gaz, différents moyens étaient utilisés : la lampe à feu, les canaris.
Les poches d'eau : Au fond de la mine, l'eau ruisselle de partout. Les premières machines à vapeur ont été mises au point pour actionner des pompes. Dans les couches aquifères, un coup de pic mal placé suffit à ouvrir une poche d'eau et un torrent d'eau se déverse dans les galeries.

C'est d'abord le coup d'eau au 10 de Grisoeul qui se produisit vers 1885 qui m'a marqué. Sur un groupe de six personnes une femme resta une semaine au fond cherchant dans l'obscurité une issue. L'un d'eux était devenu fou et donna beaucoup de difficultés à ses camarades qui ne voulurent pas l'abandonner.
Il y eu des coups de grisou dans toutes les mines, mais celui de l'agrappe en 1871 et de la Boule en 1887 furent particulièrement cruels. A la Boule, il y eut 113 victimes dont 52 de Pâturages. Je vois encore la grande fosse creusée le long du mur du
cimetière qui a été, depuis lors, transformée en
pelouse d'honneur.
Achille Delattre
Les grandes catastrophes de la région
17 avril 1879 : L'Agrappe à Frameries – 121 victimes
4 mars 1887 : La Boule – 113 victimes
11 mars 1892 : Anderlues – 160 morts
26 avril 1901 : Le Buisson – 19 morts
19 janvier 1908 : Le Couchant de Flénu – 10 victimes
15 avril 1927 : Le Levant de Mons – 26 morts
3 avril 1930 : Ouest de Mons – 15 morts
15/17 mai 1934 : Fief de Lambrechies à Pâturages : 57 morts
1er octobre 1936 : Grand trait de l'Agrappe : 30 morts
13 janvier 1953 : Marcasse – 24 morts
1956 : Bois du Cazier à Marcinelle – 263 victimes
Premiers mouvements de résistance

Ces situations de vie extrêmement dures ne provoquent cependant pas de mouvement de révolte organisée.
La misère y joue un rôle important. L’ouvrier est trop mal nourri, trop fatigué, trop mal logé, trop épuisé pour agir.
La révolution de 1848 en France et la naissance de la Première internationale en 1864 donnent cependant un nouvel élan à certains groupes de résistance regroupés sous les vocables de Chevalerie du travail, Sociétés de maintien de prix ou Compagnonnages.

Mais c’est la naissance du Parti ouvrier belge (POB) en 1885, qui signe la première véritable organisation ouvrière au sens moderne en Belgique.
Le POB est une fédération de coopératives, syndicats et mutuelles.
À cette époque, ce sont les coopératives qui l’emportent sur les autres formes d’organisation ouvrière. Au-delà de l’intérêt purement économique : pain moins cher,

crédit, distribution pendant les grèves, participation aux bénéfices... elles sont des lieux de propagande et d’action ouvrière.
Sous l’action du P.O.B., des fédérations de métiers s’établissent. Le mouvement cherche à accroître leur efficacité et leur capacité de résistance.
Bien que plus tardif, le syndicalisme chrétien suit un cheminement parallèle. On donne souvent la date de 1886 pour signaler le fait.
Le développement des organisations chrétiennes est cependant freiné, à la fois par les socialistes anticléricaux et par la bourgeoisie catholique qui prône la création de syndicats mixtes.
La publication de l’encyclique “Rerum Novarum” par le pape Léon XIII en 1891 va permettre aux tenants du syndicalisme ouvrier autonome de l’emporter.
Les grèves
1833 : Contre les livrets d’ouvrier
1836 : Contre les nouvelles règles de travail
1841 : Contre le rétablissement des livrets d’ouvrie1848 :

Contre les abus patronaux
1869 : Pour de meilleurs salaires
1886 : Pour le suffrage universel et de
meilleures conditions de vie
1893 : Pour le suffrage universel.
(Cfr. Gravure ci- dessus
1902 : Pour le suffrage universel.
1905 : Pour les salaires.
1912 : Contre le paiement des salaires
par quinzaine
1932 : Pour de meilleures conditions
salariales et de vie
1936 : Contre la crise
La loi sur le travail des femmes et des enfants

La loi du 13 décembre 1889 est la première loi à réglementer le travail des femmes et des enfants.
Elle est considérée comme un « acte fondateur » du droit du travail puisqu’elle est la première à légiférer le travail des enfants et adolescents ainsi que celui des femmes.
Elle vise essentiellement le travail des mineurs, filles ou garçons.
Néanmoins, un article concerne l’interdiction du travail souterrain et le droit au congé de maternité.
À l’époque, au plus bas de l’échelle sociale, il y a souvent la présence d’enfants « non qualifiés et donc sous-payés ». La naissance du travail des enfants au XIXe siècle en Belgique est liée à l’industrialisation et à la pauvreté dont les premières manifestations apparaissent dans les années 1800. On estime à 250 millions le nombre d’enfant âgés de 5 à 14 ans exerçant un emploi en Europe, de quelques heures de prestations après l’école à l’exploitation la plus
inhumaine.
Femmes et enfants procèdent aux mêmes tâches. Si la femme est réduite à sa fonction de mère, le travail féminin s’explique par le fait que l’époux n’arrive point à satisfaire aux besoins de sa famille.
La loi du 13 décembre 1889 sur le travail des femmes et des enfants débouche uniquement sur des propositions législatives minimalistes :
limite l'âge d’admission au travail à 12 ans,
limite la durée du travail journalier
oblige à un jour de repos hebdomadaire,
interdit le travail souterrain pour les filles mineures jusqu'à 21 ans et pour les garçons jusqu'à 16 ans
fixe le repos post-natal à quatre semaines
prévoit une mise en place d’une inspection en vue de faire respecter ces dispositions.
La reconnaissance du syndicat dans l’entreprise
La première priorité sera la reconnaissance du fait syndical.
Suite à d’intenses pressions, la suppression de l’article 310 du code pénal est obtenue en 1921.
Cet article punissait d’emprisonnement et/ou d’amende ceux que la bourgeoisie appelait "meneurs" et qui ne sont autres que des militants ouvriers. La fin de la guerre 1914-18, qui avec l’instauration du suffrage universel masculin, crée un autre rapport de force politique et l’essor du syndicalisme, rendent impossible le maintien de cet article, symbole de la sujétion de la classe ouvrière. Cette suppression constitue un important acquis mais n’interdit pas aux autorités d’exercer une répression indirecte grâce aux dispositions ordinaires sur les coups et blessures, les destructions, séquestrations, manifestations...
Commissions paritaires et conventions collectives
C’est dans cette foulée qu’il faut aussi comprendre la généralisation progressive des commissions paritaires. Cette avancée se produit suite à des grèves nombreuses, dures et longues (9 mois dans la métallurgie par exemple). Pour mettre un terme à ces conflits, le gouvernement impose en mars 1919 le système de réunions paritaires entre délégués du patronat et délégués ouvriers.
Dans la métallurgie du Centre d’abord, de Charleroi ensuite. Une brèche est ouverte. Elle donne la possibilité au premier ministre de réunir le 3 avril 1919 une Commission nationale d’étude pour la réduction du travail dans les usines métallurgiques. Quinze jours plus tard, une commission semblable s’ouvre dans le secteur minier. Les deux premières « commissions paritaires » sont nées. Durée du travail, salaires ... font désormais l’objet de
« conventions collectives » qui tout en n’ayant pas de force obligatoire sont généralement respectées.
Le droit de vote en Belgique

1830 : Suffrage censitaire.
Levote est réservé aux hommes de plus de 25 ans payant un certain quota d'impôt (le cens électoral).
1883 : Élargissement du corps électoral aux capacitaires.
On permet aux "capacitaires" de voter aux élections communales et provinciales. On appelle "capacitaires" les citoyens masculins qui possèdent des diplômes ou qui exercent certaines fonctions de responsabilité.
1893 : Suffrage universel masculin tempéré par le vote plural.
Tout citoyen masculin de plus de 25 ans a une voix, mais selon certains critères certains électeurs peuvent avoir jusqu'à deux voix supplémentaires :
1919: Suffrage universel masculin et éligibilité des femmes.
Conformément aux promesses faites pendant la guerre, le droit de vote est accordé de facto à tout citoyen masculin de plus de 21 ans pour les élections organisées en 1919, mais la constitution et la loi ne seront modifiées qu'en 1921. La loi de 1921 permet aux femmes de voter aux communales et de se présenter aux élections communales et législatives. Elles peuvent donc siéger au Parlement, alors qu'elles ne pourront en élire les membres qu'en 1948. Toutefois, la femme mariée doit produire une autorisation de son mari pour pouvoir se présenter. En revanche, l’État donne le droit de vote par « procuration » aux veuves de guerre. Elles ne sont pas considérées comme citoyennes, elles ont seulement le droit de vote de leur mari décédé au front.
1948 : Suffrage universel mixte.
Le 27 mars 1948 : le droit de vote et d'éligibilité des femmes est aligné sur celui des hommes.
1969 et 1981 : Droit de vote à partir de 18 ans.
À partir de 1969 pour les élections communales et de 1981 pour les autres élections, l'âge requis pour le droit de vote a été abaissé à 18 ans.
2024 : Droit de vote à partir de 16 ans pour les européennes.
Le temps de travail en Belgique

1864 : Revendication de la journée de 8 heures par l'Association Internationale des Travailleurs.
1889 : Revendication de la journée de 8 heures par la Deuxième Internationale.
1905 : Loi légiférant le repos dominical.
1909 : Loi instituant la journée de 9 heures dans les charbonnages.
1921 : Loi fixant la durée du travail à 48 heures/semaine et à 8h/jour. Loi garantissant la liberté d'association.
1936 : Loi instituant la semaine de congés payés.
1945 : Loi portant à 45 heures la semaine de travail.
1978 : Loi instituant les 40 heures de travail/semaine.
2001 : Loi instituant les 38 heures de travail/semaine.
Le 28 décembre 1944, l’Arrêté-loi concernant la sécurité sociale des travailleurs a créé le cadre de la protection sociale :
les pensions de retraite et de survie,
l’assurance maladie-invalidité,
les allocations de chômage,
les allocations familiales,
les vacances annuelles.
Concrètement, la loi introduisait une assurance maladie et invalidité obligatoire, un système d’aide aux chômeurs obligatoire et une amélioration des pensions de vieillesse et de survie ainsi que des allocations familiales.
Archives du Centre culturel - Exposition des Sgraffites 2024.
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